Les 15 derniers jours (12)

Cette histoire a commencé là : http://www.amotsdelies.com/blog/2012/12/les-15-derniers-jours-1/

Boire un café

« Ça ne peut pas être une coïncidence, reprend Jérémy. Pas une de plus.

— Mais qu’est-ce que ça peut être d’autre ? se désespère Éloïse. Ton Ambroise Doré ne s’est quand même pas réincarné en un Ambroise noir !

— Je ne sais pas ce que ça peut être. Je constate. Je t’énonce des faits. Maintenant, pour les interpréter… Tu sais bien que ce n’est pas mon rayon. »

Le temps pour Éloïse d’avaler un thé (la jeune fille est trop secouée pour concevoir de sortir de chez elle sans en avoir bu une tasse), les deux amis décident de se rendre à la bibliothèque de l’université.

Internet leur a permis de trouver les références exactes de l’article publié par Ambroise Doré, mais pas d’accéder à l’article lui-même. Il est temps d’en revenir aux bonnes vieilles méthodes et d’aller chercher la revue dans laquelle le papier est paru.

Comme la plupart du temps depuis que la fin du monde est dans tous les esprits, la bibliothèque est quasiment déserte. Une employée désœuvrée les accueille avec un grand sourire, manifestement ravie d’avoir enfin un peu de compagnie.

« Vous désirez ?

— Nous recherchons une revue de 1973, annonce Jérémy.

— Bien sûr. De quelle revue s’agit-il ? »

Les archives de la bibliothèque sont parfaitement classées et l’employée les connaît bien. Il ne lui faut pas plus de quelques minutes pour réapparaître avec le fameux document.

Les doigts sur la couverture, Éloïse a un instant d’hésitation. Que va-t-elle trouver à l’intérieur ?

Le nom d’Ambroise Doré apparaît effectivement dans la table des matières. Son article n’est pourtant qu’un élément parmi d’autres d’un grand dossier consacré au choc pétrolier.

Plus que l’article lui-même, c’est la photo de l’auteur qui retient l’attention des deux jeunes gens : l’Ambroise Doré de 1973 est le portrait craché de l’Ambroise qu’ils connaissent.

« Ça alors ! Ah, ben, ça alors… »

Jérémy n’en finit pas de répéter les mêmes mots. Il a l’air complètement secoué.

La main d’Éloïse tremble un peu lorsqu’elle referme la revue. Son intuition était bonne : c’était bien sur du papier qu’elle allait trouver Ambroise…

« Bon sang, Djé, qu’est-ce qui va se passer ? Qu’est-ce que c’est que toute cette histoire ? »

 

Dehors, l’air frais de décembre les fige encore un peu plus. Ils sont là, côte à côte, indécis, quand le smartphone d’Éloïse se met à vibrer. C’est un message de Manue.

L’explosion était criminelle. Si tu veux en savoir plus, je suis à la cafète.

Presque machinalement, Éloïse répond.

OK, j’arrive.

Jérémy, bien sûr, ne l’entend pas de la même oreille : il a détesté Manue dès la première seconde.

« Ce sera sans moi », dit-il simplement, avant de s’éloigner.

 

Dans la cafète bondée, Éloïse a un peu de mal à repérer son amie. Assaillie par la chaleur et le brouhaha des lieux, c’est en ayant toutes les peines du monde à conserver son équilibre qu’elle déambule entre les tables.

Enfin, une main se lève ; une voix familière l’appelle.

« Élo ! Je suis là ! »

Manue est seule. Attablée devant un café, elle mord à belles dents dans un sandwich.

« Tu en veux ? propose-t-elle.

— Non, merci, je n’ai pas faim. »

Éloïse s’assied et commande à son tour un café.

« Alors ? demande-t-elle.

— C’est une espèce de groupuscule bizarre qui a fait sauter une conduite de gaz.

— Apocalypse Now ? »

Manue reste la bouche ouverte, interdite. Elle en oublie même son sandwich.

« Comment tu sais ça ?

— Je suis allée dans l’amphi, juste après l’explosion. Il y avait des tracts un peu partout.

— De ce groupe-là ?

— Oui. Avec un message appelant à une fin du monde nucléaire avant l’heure. N’importe quoi ! C’est prouvé que c’est eux ?

— Oui, il y a eu une enquête policière. C’est un groupe qui n’a rien à voir avec la fac. Ils ont fait péter une bombe dans l’amphi parce qu’ils savaient qu’il y aurait du monde et que ça ferait du bruit. Dans tous les sens du terme… »

Manue prend le temps de finir son sandwich avant de continuer.

« On a reprogrammé un meeting demain. Dans l’amphi A puisque le B est hors service. Faudra que tu viennes : ça va être chaud ! »

 

L’amphi A est plus petit que l’amphi B. Mais il n’y a pas plus grand dans toute l’université. Il faudra faire avec. Comme l’a dit Manue, « ça va être chaud » !

À huit jours de la fin du monde annoncée par les Mayas, l’excitation est encore montée d’un cran sur le campus. Plus aucun professeur ne se hasarde à faire cours, mais cela n’empêche pas les salles et les couloirs de grouiller de monde.

On se retrouve, on discute, on tire des plans sur la comète… Certains essaient d’imaginer l’après ; ce ne sont pas les plus nombreux ! Les autres profitent juste de la situation, puisque le hasard a voulu qu’ils soient étudiants en 2012, comme d’autres l’ont été en 1968.

Un certain sens des réalités continue malgré tout à prévaloir. Certes, les messagers sont dans tous les esprits… mais les vacances de Noël aussi ! Les partiels, par contre, sont complètement passés à la trappe : il n’y a pas cours, comment pourrait-il y avoir des examens ?

Tout en parcourant les couloirs qui mènent à l’amphi, Éloïse consulte son fil Twitter. Un nouvel hashtag y a fait son apparition : #ApocalypseNow.

Après l’amphi B, le A ? #ApocalypseNow

Par #ApocalypseNow, ils veulent dire vraiment now ?

Le 21, c’est trop loin ! #ApocalypseNow !

 

Le souvenir de l’explosion de l’amphi B est manifestement dans la plupart des têtes : à plusieurs reprises, Éloïse entend des gens qui se demandent s’il est bien prudent d’aller assister au meeting du jour.

Et si l’expérience se renouvelait ?

À suivre

 

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