Les 15 derniers jours (11)

Cette histoire a commencé là : http://www.amotsdelies.com/blog/2012/12/les-15-derniers-jours-1/

Doigts sur clavier portable

Un peu partout, dans l’amphi, des tracts jonchent le sol et les sièges. La jeune fille en ramasse un. Deux mots lui sautent au visage : Apocalypse Now. Le reste du texte n’a pourtant rien à voir avec le film de Francis Ford Coppola. Il n’y est nulle part fait mention de guerre au Vietnam, d’armée américaine ou même de cinéma.

Ce tract vise un but et un seul : hâter l’apocalypse. Précéder la date fatidique.

Comme certaines personnes qui savent qu’elles vont mourir préfèrent se suicider avant l’heure pour garder la maîtrise de leur destin, ceux qui sont à l’origine du tract veulent faire mentir les Mayas.

À n’importe quel prix.

Éloïse découvre qu’une pétition a été lancée pour demander le recours à l’arme nucléaire :

Messieurs les Présidents des États-Unis d’Amérique, de la Russie, de la France, du Royaume-Uni et de la Chine, nous vous demandons, pour éviter la peur et le désespoir ce 21 décembre, d’anticiper la fin du monde prédite par les Mayas et de procéder ensemble au déclenchement des armes nucléaires dont vous avez la charge, le dimanche 16 décembre à 0 h T.U.

« C’est du délire ! s’exclame un secouriste à côté d’elle. Il y a vraiment des illuminés sur cette planète ! »

 

Petit à petit, l’amphithéâtre se vide. Les blessés les plus graves sont emmenés pour être soignés à l’hôpital. Ceux qui nécessitent juste un nettoyage de plaies peu profondes sont traités sur place avant de s’en aller sur leurs deux jambes. Les autres discutent, se refont le film des événements, tentent de comprendre… puis finissent par s’en aller aussi.

Éloïse jette un regard circulaire autour d’elle. Aucune tête connue à l’horizon.

Avant l’explosion, Ambroise quittait le bâtiment. La jeune fille décide de continuer ses recherches à l’extérieur.

« Tu ne m’échapperas pas tout le temps ! » se dit-elle pour se donner du courage.

 

Ce mercredi matin, Éloïse n’a pas encore eu le temps de regarder le nom du saint du jour qu’on frappe à sa porte. Interdite (et mal réveillée, il faut bien le dire !) la jeune fille reste un instant comme suspendue, hésitant entre deux décisions : ouvrir ou faire le mort ?

Mais derrière la porte, on insiste. Une grêle de petits coups brefs s’abat à nouveau, en même temps qu’une voix impatiente s’élève :

« Élo, c’est moi ! Ouvre ! Je sais que tu es levée ! »

C’est Jérémy. Comment un lève-tard tel que lui a-t-il fait pour arriver devant sa porte à une heure pareille ? Éloïse n’hésite pas une seconde de plus.

« Qu’est-ce qui t’arrive ? demande-t-elle à son ami avant même de lui dire bonjour.

— Tu te souviens de cet Ambroise inscrit à la fac en 1948 ? rétorque son ami.

— Évidemment que je m’en souviens ! C’est le seul qu’on ait trouvé dans toutes les archives de la fac…

— Eh bien, je l’ai retrouvé ! »

Jérémy est manifestement au comble de l’excitation. Il a le souffle court, les yeux comme agrandis par une loupe.

« J’y ai passé une partie de la nuit, mais j’ai réussi à mettre la main dessus. Regarde… »

Sans plus de cérémonie, Jérémy s’assied sur le lit défait de la jeune fille et ouvre l’ordinateur qu’il tenait replié sous le bras. Ses doigts semblent à peine effleurer le clavier tandis qu’il déroule le résultat de ses recherches.

 

« Ambroise Doré a étudié ici pendant quatre ans. Comme on l’avait vu, il était inscrit en histoire des civilisations. Après, on le perd de vue pendant une vingtaine d’années… Et puis, en 1973 (année du premier choc pétrolier, je te rappelle !), voilà qu’il publie un article intitulé : Choc pétrolier, choc de civilisations.

— Comment tu peux savoir que c’est lui ?

— Qui veux-tu que ce soit d’autre ? Tu crois que c’est courant, comme nom, Ambroise Doré ?

— Je ne crois pas, non, mais quand même, rien ne prouve que ce soit le même…

— Un autre Ambroise Doré ? Qui, comme par hasard, s’intéresserait aux civilisations ? Tu te fous de moi ou quoi ? »

Éloïse hoche la tête. Plus pour calmer son ami que par conviction… Mais il a manifestement encore des choses à dire et elle est curieuse de les entendre.

« Ensuite ? l’encourage-t-elle.

— Ensuite ? C’est là que le plus dingue arrive. »

Les doigts de Jérémy se remettent à survoler le clavier de son ordinateur. Puis, sans un mot, il tourne l’écran face à son amie.

« Regarde, dit-il simplement. »

C’est le scan d’un avis de décès.

Monsieur Ambroise Doré est mort le 7 décembre 2012, dans sa soixante-treizième année.

Lorsque Jérémy reprend la parole, sa voix n’est plus qu’un murmure.

« Rappelle-moi quand tu as rencontré Ambroise ? »

Éloïse ne répond pas ; elle regarde fixement l’écran, sur lequel les mots le 7 décembre 2012 semblent la narguer.

À suivre

 

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