À l’abri (9)

Cette histoire a commencé ici.

Tache de sang

— Au message de départ, tout le monde a rejoint les abris.

Si je n’étais pas cloué sur place, les mains attachées de chaque côté du lit, je hausserais les épaules.

— Évidemment. On a été conditionné pour ça.

— Effectivement.

— Et après ?

— Comme je vous disais, au bout d’une semaine, les portes ont été déverrouillées.

Mon cœur se met à battre plus vite.

— Il y a des gens qui sont sortis ?

— Pas tout de suite. La radio émettait toujours.

Derrière le masque, le visage de Blade s’orne d’un sourire. Je ne sais pas ce qui me retient de lui coller une beigne… Ou plutôt si, je le sais trop bien… Je comprends, maintenant, pourquoi on m’a attaché au lit…

— Vous êtes des ordures !

— Nous ne faisons que notre travail, intervient Toad.

Tiens, je l’avais oublié, celui-là…

— Votre travail ? Vous êtes médecin, non ? Le serment d’Hippocrate, ça vous dit quelque chose ? Vous n’êtes pas censé tout faire pour sauver les vies ?

— Et vous croyez que je fais quoi avec vous ? s’agace Toad.

— Avec moi, peut-être. Parce que votre collègue veut m’interroger. Mais les autres, dans l’abri ? Marco, il a mis des heures à mourir, dans sa fichue flaque de sang. Vous auriez sûrement pu faire quelque chose, non ?

Là, je sens que j’ai marqué un point. Tout à coup, il n’a pas l’air très à l’aise dans ses baskets, le toubib… Du coup, j’insiste.

— Et dans les autres abris, il y en a combien, comme ça, que vous avez laissé crever sans rien faire ?

Toad baisse la tête.

— Nous avons des ordres…

— Et vous trouvez que c’est juste, dans ces conditions, d’obéir aux ordres ?

Un silence de mort plane dans la pièce. Finalement, c’est Blade qui reprend la parole.

— On n’a pas trop le choix. Celui qui a essayé de vous prévenir, ça a mal tourné pour lui.

« Ouvrez les portes, sortez au grand air et profitez du soleil ! » Cette drôle d’annonce, dans les haut-parleurs, me revient en mémoire. Finalement, j’avais eu raison d’y croire. Et Marco avait eu raison de douter de ce qu’on nous racontait.

Des cobayes, voilà ce que nous avons été, tout ce temps. Aussi peu considérés que des souris blanches. Si un jour je retrouve une vie normale, je me consacrerai à leur défense. Maintenant, je sais ce qu’elles peuvent ressentir.

— Qu’est-ce qui lui est arrivé, à celui qui a voulu nous prévenir ?

— Il a été déplacé.

Déplacé. Autant dire trucidé. Personne n’est jamais revenu vivant des colonies spatiales.

— Et moi, qu’est-ce que je vais devenir ?

Toad retrouve son assurance.

— On va vous remettre sur pied. Après, vous raconterez tout ce qui s’est passé au commissaire Blade. Et vous pourrez sortir.

— Tout raconter ? Comme si vous n’aviez pas déjà tout vu !

— Nous n’étions pas dans votre tête. Et puis, il y a eu un petit problème technique : quand nous avons cessé d’émettre à l’intérieur des abris, nous avons également cessé de recevoir. Nous n’avions plus que les images.

Malgré moi, j’ironise.

— Au moins, vous pouviez vous rincer l’œil !

Mais une nouvelle question me préoccupe tout à coup…

— Ceux qui ont essayé d’ouvrir la porte et qui sont sortis de leur abri, qu’est-ce qu’ils sont devenus ? Où est-ce qu’ils sont, maintenant ?

À suivre

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4 réflexions au sujet de « À l’abri (9) »

    1. Bonjour Jean-Philippe,

      Merci pour ton commentaire. Venant d’un expert du suspense comme toi, j’apprécie particulièrement 🙂
      À bientôt pour la suite

      Florence

  1. Oh oui, cela donne à réfléchir. Chaque jour, chaque évènement nous conforte dans cette impression que nous sommes tous des cobayes.
    Et bravo. Cette histoire est captivante et l’on attend toujours la suite avec impatience et plaisir.

    1. Bonjour Chantal,

      Bienvenue ici et merci pour ce premier commentaire.
      L’écriture en épisodes n’est pas habituelle pour moi ; imaginer un futur possible non plus… mais l’été est une saison propice aux changements d’activité ! Et savoir qu’il y a des lecteurs qui attendent la suite est très motivant.
      J’espère arriver à vous tenir en haleine jusqu’au bout 🙂

      Florence

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