J’ai dévoré ce livre de Jean-Christophe Rufin en une soirée. L’histoire de Catherine, quadragénaire française sans histoire qui se prend de passion pour Gil, un jeune homme des favelas, est intense, solaire et violente – comme seuls savent l’être les Tropiques – pour ne pas dire proprement hallucinante. Basée sur des faits réels, elle m’a laissée sans voix, à la limite de la nausée et de l’incompréhension. Mais, connaissant un peu cette région du monde, je ne doute pas une seconde de sa véracité.
Trop de demandes, ça arrive !
Récemment, j’ai été confrontée au problème – nouveau pour moi – de l’excès de missions. Entretiens et table ronde à retranscrire, manuscrit à corriger, texte anglais à traduire en français, résidents d’une maison de retraite à interviewer… Tous ces chantiers en parallèle, avec des journées qui ne font que 24 h : j’étais au maximum de mes possibilités.
Pour la première fois, j’ai donc dû dire : « désolée, je ne peux pas prendre ce travail en charge maintenant ». Continuer la lecture de Trop de demandes, ça arrive !
So long Louis
Il avait 80 ans et une vie bien remplie derrière lui. Une vie originale, atypique, qui l’avait mené dans l’ancienne Afrique Occidentale Française avant de retrouver son Aveyron natal. Une vie qu’il avait entrepris de me raconter.
Nos entretiens étaient toujours riches, parsemés de pointes d’humour. C’est vrai qu’il avait toujours aimé la provocation et que mettre de l’insolite dans la vie des autres l’amusait. Alors il ne manquait pas d’anecdotes à raconter. J’aimais cette personnalité inclassable, qu’il avait su préserver jusque dans la maison de retraite qu’il avait intégrée depuis peu.
Dis-moi dix mots !
— Il faut rester mobile !
Cette phrase de son mentor lui revenait sans cesse à l’esprit. Une phrase qui avait le don de l’escagasser avec son allure de ritournelle. Il avait beau essayer de zapper, de passer à autre chose… Rien à faire ! Cette idée de mouvement perpétuel semblait ricocher contre les parois de son crâne, provocant un remue-méninges de première. Telle le cheval de Troie – construction a priori bien innocente – elle s’était infiltrée dans son cerveau où elle s’élevait crescendo en multiples variantes. Impossible de ne pas l’entendre : même la musique de son baladeur n’arrivait pas à la faire disparaître.
Mais comment diable sortir de cette galère ?
BALADEUR
Bienheureux le poète qui sait voir au travers de la nuit,
Armé de ses seuls doigts fiévreux entourant la plume.
Luciole affolée qui tournoie dans les ombres du temps
Avec la joie de l’enfance et les tourments du plaisir…
Doué d’une intelligence qui le pousse sans arrêt à partir,
En voguant sur les flots enivrants de l’ailleurs et du vent,
Un jour sans doute, il s’évanouira dans la brume.
Riant à larmes folles des heures qui s’enfuient.