Les 15 derniers jours (23)

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Espace

« Alors, c’était ça, la fin du monde ? »

Comme celle de Jérémy, la voix de Manue fait vibrer les tympans d’Éloïse sans émettre le moindre décibel. Cela n’empêche pas la déception d’être clairement reconnaissable dans ses quelques mots.

Tout ça pour ça…

La fin du monde : ces quatre mots semblaient à eux seuls contenir l’apocalypse. Finalement, qu’en reste-t-il ? Une impression de dépaysement total. Le vide.

Rassemblant toute son énergie, Éloïse s’acharne à tenter d’ouvrir les yeux, mais ses paupières ne lui obéissent plus. A-t-elle seulement encore des paupières ?

Elle voudrait les toucher, mais ses mains n’ont pas plus l’air de vouloir exécuter les ordres transmis par son cerveau. A-t-elle encore des mains ? Et un cerveau ?

Y a-t-il eu vraiment une réorganisation moléculaire ?

L’air se met soudain à lui manquer. Oubliée, la sensation de légèreté : Éloïse se sent étouffer.

Comme au fond de l’eau, pendant l’exercice de simulation d’accident de plongée.

Sur Primaterra, elle a l’impression de retrouver les origines de la vie.

 

Le souvenir d’Ambroise réapparaît à la surface de sa conscience.

« Tu m’as menti ! lui reproche-t-elle.

— Non, se défend le jeune homme. Je n’ai pas menti : Primaterra est la mère de toutes les Terres.

— Elle en est la matrice, tu veux dire. Le réservoir d’énergie à partir duquel la vie va pouvoir se répandre. Mais elle n’est pas comme la Terre !

— Personne n’a jamais dit ça, intervient Jérémy. Si tu l’as cru, c’est que tu voulais y croire.

— Parce que toi, tu n’y as pas cru ? s’agace Éloïse.

— Moi, je ne crois que ce qui peut s’expliquer, s’amuse son ami.

— Et comment tu expliques ce qui nous est arrivé ? »

Mais Jérémy n’a pas besoin de répondre : une image s’impose tout à coup à la conscience de la jeune fille. La vision d’un feu d’artifice géant. Comme une éruption de volcan, démultipliée puissance dix. Une débauche d’énergie à en faire exploser le ciel.

La désintégration d’une planète.

Et pas n’importe quelle planète.

La Terre.

Sa Terre.

 

La fin du monde, telle qu’ils l’imaginaient, telle qu’elle a été représentée un nombre incalculable de fois au cinéma ou dans des bandes dessinées, a bien eu lieu. Ils n’ont rien ressenti parce qu’ils étaient partis avant.

Mais n’ont-ils pas, eux aussi, d’une certaine manière, volé en éclats ?

Sur Primaterra, il semble bien que seule leur conscience existe encore. Leurs corps sont-ils donc restés sur la Terre ? Réduits à néant par ils ne savent quelle catastrophe ?

Une fois encore, Ambroise anticipe la question d’Éloïse :

« Je suis venu sur votre Terre pour sauver ce qui pouvait l’être. Ou plus exactement, ceux qui pouvaient l’être. Tu en faisais partie. Vous en faisiez partie tous les trois. Pour des raisons différentes, mais tous les trois quand même.

— Moi, l’idée du voyage intergalactique me faisait délirer, intervient Manue.

— Chez toi, le moteur, c’est l’espoir, ajoute Ambroise en direction d’Éloïse. Il te fait prendre tous les risques, expérimenter toutes les voies, même celles qui te paraissent d’abord totalement farfelues.

— Mais toi, Jérémy ? Qu’est-ce qui a pu te pousser à suivre Ambroise ? »

Si leurs corps existaient encore, Éloïse est sûre qu’elle verrait les deux garçons échanger un sourire : elle en ressent les vibrations caractéristiques.

« La physique quantique nous apprend que le monde est affaire d’ondes et de mouvements… Et que la seule présence d’un œil observateur modifie le cours des choses. J’ai eu envie d’être cet œil. Pour voir comment je pouvais changer le monde ! »

Changer le monde ? En attendant, c’est Jérémy qui a l’air d’avoir bel et bien changé…

 

« Et maintenant ? Qu’est-ce qu’on fait ? »

L’interrogation de la jeune fille emplit l’espace. Jusqu’aux confins de son nouveau monde, il n’y a que ces quelques mots : « qu’est-ce qu’on fait ? »

Est-elle seulement capable de « faire » quoi que ce soit ? En a-t-elle les moyens ?

Autour d’elle, de nouvelles énergies s’agglutinent. Sa question a joué le rôle d’un catalyseur. Les consciences qu’Ambroise a emmenées avec lui se rassemblent. Quelles que soient les raisons qui les ont poussées à le suivre, elles ne sont pas du genre à rester inertes.

« Nous devons nous connecter ! déclare l’une.

— À quoi ? interroge une autre.

— Entre nous ! lance Jérémy sur le ton de l’évidence. Nous sommes les restes d’une humanité dont la matière a été pulvérisée. Il faut sauver ce qui nous rassemble. Le souvenir d’une Terre que l’on appelait la planète bleue et qui…

— Les souvenirs, ça ne suffit pas, interrompt une autre conscience. Il faut recréer la matière. L’eau, l’air, le feu, la terre… »

Manue ricane :

« C’est sûr que pour l’espace, on a ce qu’il faut !  »

Ambroise n’intervient pas. Comme s’il n’avait qu’une idée : se faire oublier. Pour laisser émerger une nouvelle humanité.

Un clone de plus de l’ancienne Terre ? Ou un monde nouveau, comme le disaient les messagers ?

 

Primaterra semble être un gigantesque trou noir duquel tous les possibles peuvent surgir. Le rôle d’Ambroise, en tant que gardien des clés, serait alors juste d’y amener des graines d’avenir. Et de les regarder pousser, comme un jardinier attentif.

Mais alors…

 

Éloïse, Jérémy, Manue et les autres ont-ils quitté la Terre ou ont-ils été pulvérisés en même temps qu’elle ?

Ne sont-ils pas tout simplement…

Morts ?

 

Et si les annonciateurs de fin de monde avaient eu raison ?

 FIN

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2 réflexions au sujet de « Les 15 derniers jours (23) »

    1. Bonjour Elisse,

      Merci pour votre commentaire !
      J’ai pris beaucoup de plaisir à écrire cette histoire. Voir qu’elle a plu est un plaisir supplémentaire 🙂

      Florence

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