L’adulte existe-t-il ?

Au travail

Les personnes âgées qui me racontent leur vie s’attardent toujours beaucoup sur leur enfance et leur jeunesse, mais passent beaucoup plus vite sur leur vie adulte, notamment professionnelle. Faut-il en conclure que celle-ci est sans importance ?

Rappelez-vous, enfant, vous rêviez sans doute (comme moi, comme mes propres enfants aujourd’hui) de devenir adulte le plus vite possible. D’être enfin maître de vos gestes, de vos décisions, et donc de votre destinée.

Cet âge béni a fini par arriver. Plus personne n’avait à vous dire ce que vous deviez faire. C’est bien comme cela que vous l’avez ressenti, n’est-ce pas ? Au début, en tout cas ! Car par la suite, les difficultés de la vie aidant, les décisions à prendre se faisant nombreuses (et parfois lourdes de conséquences), les soucis s’amoncelant peut-être, vous vous êtes finalement retrouvé tout aussi démuni.

En tout cas, vous avez « oublié » l’enfant que vous aviez été. Reconnaissez qu’aujourd’hui les quinze ou vingt premières années de votre vie ne sont pas très présentes dans votre mémoire.

Votre vie adulte, active, a pris toute la place. Toute votre énergie.

Pourtant, à 80 ou 90 ans, on me résume souvent ces décennies de grande activité par une phrase lapidaire : « j’ai travaillé à l’usine », « j’ai été institutrice », « j’ai été agriculteur », « je me suis occupée de mes enfants »…

Et alors que l’évocation des jeunes années s’est faite avec gourmandise et force détails, il faut presque arracher des précisions supplémentaires concernant cette vie d’adulte. Comme si elle n’existait plus. Comme si elle n’avait plus aucune importance.

Cela se ressent souvent dans le livre final. Les chapitres concernant l’enfance, la jeunesse, sont agréables à lire et unanimement appréciés. Ceux concernant la vie adulte peuvent au contraire laisser une impression d’inachevé, de souvenirs jetés pêle-mêle sur le papier.

Comme si l’adulte était sans intérêt ?

8 réflexions au sujet de « L’adulte existe-t-il ? »

    1. Bonjour Geoffroy,

      C’est en effet un peu la question, me semble-t-il : quelle est l’importance du travail dans notre vie ? Même s’il la remplit beaucoup (parfois trop), à l’heure de dresser des bilans, il semble bien qu’il ne soit plus tellement important.

      Florence

  1. Bonjour Florence,

    Il est vrai que le travail, surtout s’il n’y en n’a eu qu’un tout au long de la vie active, présente souvent un caractère de routine peu propice à romancer.

    Mais il se pourrait aussi que les expériences de l’âge adulte soit en quelque sorte parasitées par l’accumulation croissante des problèmes psychologiques.

    L’enfance et la jeunesse sont beaucoup plus pures, à cet égard, et les expériences y revêtent une fraîcheur et une intensité qui n’ont aucun mal à faire mémoire.

    Finalement, dans une première partie de la vie, on découvre ; et dans la seconde, on s’ennuie.

    Enfin, ça n’est pas obligatoire. Fort heureusement !

    Bernard

    1. Bonjour Bernard,
      En général, il n’est pas question de romancer, mais « juste » de raconter. Ce qui me pose question, c’est que souvent on considère qu’il n’y a « rien à dire ». Tu dois avoir raison : dans le travail, on s’ennuie souvent !
      Ta remarque sur la pureté de l’enfance et de la jeunesse me semble aussi tout à fait pertinente : elle doit en effet aider les images à se fixer plus nettement.
      Merci pour ce commentaire 🙂
      Florence

  2. Bonsoir Florence,

    Oui, j’employais « romancer » dans un sens plutôt psychologique. Comme lorsqu’on dit « la vie est un roman ».

    Je voulais dire que le mental se livrait plus volontiers à des commentaires intérieurs lorsque l’expérience était intense. En l’absence d’intensité, pas de commentaire. Et en l’absence de commentaire, pas d’impression, pour le mental, d’avoir vécu.

    C’était cette activité consistant à scénariser intérieurement son existence que j’appelais « romancer ».

    Bernard

  3. Bonsoir Bernard,

    Je comprends mieux ce que tu voulais dire. C’est vrai que de toute façon, le passé est toujours soumis au filtre de la mémoire. Les images que nous en gardons sont faussées, dans un sens ou dans l’autre.
    En tout cas, retour à l’ennui : l’esprit s’envole et on en oublie les faits. Le quotidien disparaît sans laisser de traces. Au sens propre.

    Florence

  4. L’âge adulte, c’est l’âge des renoncements.
    Quand on est jeune, on rêve à beaucoup de choses, puis la vie de travail les réduit comme peau de chagrin au fur et à mesure du temps.

    Si on veut relancer la vie « adulte », il faut demander aux gens où ils ont passé leurs vacances, quels sont/furent leurs hobbies, comment ils ont installé leur maison. Et pourquoi ces choix ?
    Les souvenirs vont remonter.

    Peut-être aussi que la vie adulte passe très vite, lorsque ce fut « long » d’arriver à l’âge adulte, long pour atteindre cette liberté. C’est l’esprit de la quête. 🙂

    Le fait d’être casé doit avoir émoussé énormément notre curiosité, on entre dans des routines qui se résument à un nom de métier.
    Rien de sexy dans une routine, plus aucun émerveillement, et plus rares les rencontres… Alors que jeunes, nous côtoyions plusieurs centaines de personnes tous les jours, nous sommes réduits à un cercle de collègues restreint, voire de plus en plus restreint plus on monte dans la hiérarchie sociale.

    Pas facile de parler de ce désert relationnel, ni d’évoquer cette réduction d’ambitions
    Sauf à lutter tous les jours pour casser la routine, et rester un enfant émerveillé par le monde.

    Bien amicalement
    L’Amibe_R Nard

    1. Bonjour L’Amibe_R Nard,

      Merci pour ce commentaire qui propose une nouvelle raison à cette sous-représentation de l’adulte, en tout cas au travail. Je n’avais pas imaginé cet aspect de solitude. Sans doute n’ai-je pas eu un parcours assez linéaire pour ça !
      Faut-il en déduire que nous sommes faits pour le changement et l’adaptation continuelle à de nouveaux environnements ? Cela me conviendrait assez 🙂

      En tout cas, c’est bien sur la vie professionnelle que le silence se fait. La vie personnelle semble toujours plus riche.
      Gardons nos yeux bien ouverts pour avoir des choses à raconter 😉

      Florence

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